LE LION OU LE BAOBAB

Le lion ou le baobab ! Non, il ne s’agit pas d’un sondage pour déterminer lequel vous aimez. Au passage, désolé pour les gourmands, il n’est pas non plus question de savoir si vous préférez le kédjénou* de lion ou la sauce à la feuille baobab (d’ailleurs, ces recettes n’existent probablement pas**). Il est question plutôt de savoir auquel des deux chacun peut s’identifier. Nous précisons bien, seulement s’identifier et non se transformer. Autant dire que nous n’avons aucune expertise en sorcellerie sinon plutôt que d’écrire ces lignes, nous nous serions contentés de vous gbasser (lancer un sort en nouchi***) pour obtenir vos « j’aime » et les éloges qui vont avec. Ces éclaircissements apportés revenons à nos moutons ou plus exactement au lion et au baobab.

En Afrique, dans une certaine symbolique, il n’est pas rare que des animaux ou des végétaux soient perçus comme représentant des qualités ou des défauts. Ainsi dans certains de nos contes, le lièvre, par sa ruse, se pose comme un modèle d’intelligence ; quant à l’hyène qui brille très souvent par sa cupidité, elle arbore les tares à éviter. Dans ce même ordre d’idées, on peut également citer le lion et le baobab.

Le lion, cet animal majestueux que l’on ne cesse de présenter comme le « roi des animaux », incarne la force et le courage. Le baobab, par occasion « arbre à palabre » sous lequel bien de nos ancêtres ont réglé bien des différends, représente par sa stature imposante outre sa longévité millénaire, la robustesse et l’endurance.

Le premier vit généralement en communauté, une communauté à la tête de laquelle il doit s’imposer mais aussi qu’il doit défendre. Le deuxième, en raison de tout ce qu’il offre (ombre, nourriture, remède etc.), se révèle indispensable autant pour les hommes que les animaux. Le lion, en vue d’asseoir sa suprématie, doit chaque jour déployer son énergie au combat. Le baobab, lui, n’a qu’à être au fil des jours, demeurant immobile face aux calamités et intempéries, pour que se renforce son utilité.

De ce fait, le lion est semblable à ces personnes qui doivent la considération qui leur ait due essentiellement en raison d’un statut, d’un poste ou d’une charge qui nécessite de lutter pour être pris(e) ou conservé(e). D’un autre côté, les personnes qui peuvent valablement être identifiées au baobab sont celles qui ont la faveur de la multitude en raison de leur engagement et leur sacrifice pour les autres. Un lion mort, un autre a vite fait de prendre sa place, de plus, il n’est pas pleuré unanimement. Un baobab disparu est toujours regretté, d’ailleurs quelle que soit l’amnésie si propre aux ingrats, le soleil qui s’abat sur la tête de ces derniers leur rappelle que jamais plus, ils ne profiteront de l’ombre de l’arbre disparu.

Du lion ou du baobab ? Le choix est vôtre. En notant bien qu’un homme ou une femme au cours de sa vie est souvent l’un ou l’autre à un moment donné, mais assurément il ou elle est toujours davantage l’un que l’autre. Cependant, indépendamment de l’option choisie, rien ne sera donné sans contrepartie. Pour cause, il n’y a pas de pouvoir qui ne connaisse la contestation, en plus de nourrir les convoitises ; tout comme la générosité sans pardon, ni compassion ne peut perdurer dans ce monde où l’injustice se justifie aisément.


*Le kédjénou est un spécialité ivoirienne faite à base de viande. Il y a cependant possibilité de savourer une version végétarienne pour ceux ou celles qui seraient intéressés.

**Après vérification, j’ai découvert par le plus grand des hasards qu’il existait bel et bien une sauce à la feuille de baobab: kodoyo au Togo, nanmoukou chez les Baoulé de Côte d’Ivoire. Par contre, point de kédjénou de lion.

***Le nouchi est un argot ivoirien.


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