LE RESPECT DES DROITS CONSACRÉS ENVERS ET CONTRE TOUT : LE CAS DE SALAH ABDESLAM

L’État français devra payer les frais d’avocat de Salah Abdeslam, une nouvelle qui suscite bien évidemment l’indignation lorsqu’on sait le rôle qu’aurait joué cet homme dans les attentats de Paris. Malgré tout, en prenant du recul, il n’y a rien de scandaleux dans l’attitude de l’État français même si cela dérange quelque part quand on pense aux victimes des attentats ainsi qu’à leurs proches. Pour ces personnes, on peut le comprendre, l’individu qui est responsable de la mort d’êtres qui leur étaient chers, ne mérite aucun traitement de faveur de la part de l’État. Quoique, l’État ne peut faire autrement puisqu’il est censé garantir la justice à tous sans discrimination.

Ne serait-ce qu’en vertu du principe d’égalité, il n’y a pas d’hésitation à avoir sur la question : tout le monde a droit à un procès équitable, même le pire des criminels. Une conviction que nous, juristes, avons le devoir de promouvoir sans aucune appréhension ou aversion. Pour cause, dans le but de protéger la personne humaine où qu’elle se trouve et à n’importe quel moment, les droits de l’homme ont été consacrés, c’est-à-dire des droits reconnus à toute personne pour le simple fait qu’elle soit humaine. Parmi ces prérogatives, figure le droit à un procès équitable défini à l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ainsi, tout être humain, quel qu’il soit, lorsqu’il est accusé d’avoir commis une infraction doit pouvoir faire entendre sa cause équitablement et publiquement devant un tribunal indépendant et impartial.

Imaginez un seul instant qu’un individu ne puisse pas bénéficier de ce droit! Un tel manquement revient à nier l’existence même des droits de l’homme qui sont censés s’appliquer, au bénéfice de la personne humaine, en tout lieu et en tout temps. De ce fait, aussi scandaleux ou outrageant que puisse être le fait qu’un criminel soit défendu au frais de la société à laquelle il a causé du tord, sachons qu’il en est ainsi parce que ladite société ne peut pas reconnaitre que la justice est faite pour tous et la refuser en même temps à quelques uns en raison de leur acte. Ce serait, d’une part, se contredire et, d’autre part, contraire à l’idée selon laquelle une personne demeure innocente pour tout acte qu’elle est accusé d’avoir posé jusqu’à ce que sa culpabilité soit démontrée.

Même si dans le cas présent, il y a peu de doutes sur la culpabilité de Salah Abdeslam, rappelons qu’il y a des hypothèses où la personne qui commet un crime peut être dispensée de sanction. C’est le cas, par exemple, dans le code pénal ivoirien qui prévoit en son article 112 (article 122-2 dans le code pénal français) qu’une personne qui commet un crime sous la contrainte peut bénéficier d’une « excuse absolutoire » qui l’exempterait de toute condamnation. Donc, il y a toujours un intérêt à ce qu’un individu soit jugé pour déterminer s’il peut être excusé pour son crime ou bénéficier de circonstances atténuantes. De plus, un procès est l’occasion de mieux établir les faits pour, pourquoi pas, arrêter d’autres coupables ou en apprendre davantage sur la pratique des criminels.

Pour toutes ces raisons, l’attitude de l’État français est non seulement à applaudir mais aussi à prendre comme modèle pour tout pays qui se dit respectueux des droits de l’homme. On ne peut pas consacrer l’égalité devant la loi puis la bafouer à loisir une fois qu’on s’est rendu compte, sous le coup de l’émotion, des implications de cette consécration.

 

Mise à jour du 14 mai 2019

Comme j’ai eu le soulagement de le lire récemment, même ceux qui s’indignent, reconnaissent que l’État de droit est une absurdité magnifique. D’autres rappellent, d’ailleurs, que même les terroristes ont des droits.


Crédits photos:

Salah_Abdeslam_(cropped) : domaine public

 


Article original: https://web.facebook.com/mohamedlamine.coulibaly.90/posts/1094774773914665


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